(Notes de lecture) Educational interventions to prevent Hepatitis C: A review of the literature and expert opinion (may 2009)

Synthèse du rapport (résumé/traduction d'extraits significatifs)

Ce rapport présente les résultats d'une revue de littérature sur les intervention éducationnelles qui pourraient être efficaces pour prévenir la transmission su virus de l'hépatite C (VHC) parmi les consommateurs de drogues injectables ou les personnes susceptibles de s'injecter. Cette revue a été commandée par les Services de Santé d'Ecosse (NHS Health Scotland) dans le cadre de la deuxième partie du plan d'action écossais concernant l'hépatite C, dont le but est de réduire la transmission du virus de l'hépatite C.





Référence du rapport:
Griesbach D, Taylor A. Educational interventions to prevent Hepatitis C: A review of the literature and expert opinion. Edimburgh: NHS Health Scotland; 2009 May. Disponible à: http://www.healthscotland.com/uploads/documents/10433-Hep_C_Report.pdf
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Synthèse avisée par Arnaud Simon, ciblant notamment ce qui peut être utile dans le cadre d'un projet de recherche sur les effets de l'Accompagnement à l'injection (ou Supervision Educative de la Consommation de Substances)

L'objectif principal de l'étude (p1):
Identifier des interventions éducationnelles efficaces, dans les domaines de l'éducation en lien avec les drogues ou les virus transmissibles par le sang, qui ont démontré qu'elles sont applicables pour la prévention de la transmission du VHC.

La méthode retenue (p4):
En vue d'identifier des intervention efficaces issues à la fois des articles publiés ainsi que de la litérature "grise", cette recherche a été menée en deux étapes:
- une consultation avec une selection d'experts issus du champs de la prévention et de l'éducation concernant le VHC.
- une recherche des base de données bibliographique (Medline et PsychINFO) avec les mots clés HIV, AIDS, Hepatitis C, intervention, educat*, prevent*, behavioral intervention, behavioural intervention

Les auteurs ont ainsi retenu 13 publications:
- 11 qui présentaient à la fois une description détaillée de l'intervention éducationnelle et les effets de cette intervention
- 2 qui présentaient une description détaillée de l'intervention éducationnelle mais qui - pour une raison ou une autre - ne mentionnaient par les effets de celle-ci.

Concernant l'efficacité de ces interventions (p 49-50):
• les évaluations menées portent surtout sur les changements des comportement à risques (et rarement sur les effets sur l'incidence des nouvelles contamination par le VIH ou VHC)
• la plupart démontrent des effets positifs en terme de réduction des comportement à risques, et aucune ne fait part d'effets négatifs.
• souvent toutefois, les études impliquant une évaluation par RTC (randomized controlled trial) ne trouvent que peu de différences significatives entre le groupe témoin et le groupe ayant bénéficié de l'intervention.
• Cette absence de différence est expliqué par (1) le fait que le groupe témoin la plupart du temps a aussi bénéficié d'intervention spécifiques (information et/ou distribution de brochures), voire un dépistage du VIH et/ou du VHC intégrant un conseil pré et post test, ce qui constitue en soit une intervention à même de changer les comportements... (2) le fait que l'intervention n'est à même d'aboutir à des effets majeur surtout chez les injecteurs ayant le plus de prise de risques (comparés aux injecteurs à bas risque). William et all (2001) recommande ainsi d'analyser séparément les effets obtenus entre les injecteurs à haut risques et les injecteurs à bas risques, les effets les plus important étant susceptibles d'advenir chez les injecteurs initialement à haut risque.

Concernant les difficultés associées à la mise en place d'action éducationnelles (p48-50):
• La diversité de la population qui s'injecte. Certain usagers occasionnels de drogues, même ceux qui s'injectent, ne se sentent pas concernés par les outils produits pour les usagers de drogues injectables (Ellard 2007). Il s'agit là d'un frein sans doute liée au stéréotype de la personne qui s'injecte, qui devrait être surmonté. Les messages et interventions se doivent de prendre en compte la grande variété de modes de vie des personnes qui s'injectent.

• L'information arrive trop tard. Un étude par Treolar et Abelson (2005) auprès de 336 jeunes injecteurs révèlent que la plupart ont obtenus des informations sous la forme de brochure ou auprès de centres de réduction des risques, mais le plus souvent, cette information n'a été obtenue que longtemps après le début de l'injection.

• Des idées fausses sur les connaissances des usagers de drogues.
Une enquête auprès de 111 injecteurs séropositifs au VHC a révélé qu'une partie des stratégies qu'ils adoptaient pour éviter de transmettre le virus n'étaient pas forcément efficace car elles impliquait des méthodes infondées pour décontaminer des seringues usagées ou la présomption que d'autres injecteurs avaient un niveau de connaissance équivalent à celui de la personne. En outre, les professionnels médicaux-sociaux présument souvent que les personnes injectrices avec lesquelles elles travaillent sont déjà très informées sur les risques associés à l'injection, et ne prennent donc pas l'initiative d'intervenir en tant qu'éducateur sur les risques liés à l'injection.


• L'enjeu de l'alphabétisation
Une étude auprès de 150 injecteur à Glagow (Taylor 2007) révèle qu'un tiers d'entre eux ont des difficulté pour lire et comprendre les brochure d'information sur l'hépatite C. En outre la grande majorité d'entre eux préférerait recevoir cette information verbalement et non pas par le biais de documents écrits.

• L'information sur le risque ne suffit pas pour prévenir l'injection.
Dans une enquête auprès de jeunes injecteurs d'amphétamines (Davey et al, 2006), peu de répondant ont affirmé que la menace de l'hépatite C pouvait en soit les amener à s'arrêter de s'injecter. Les raison évoquées pouvant amener à l'arrêt de l'injection sont d'ordre personnel ("j'en ai marre de m'injecter", "je veux mettre de l'ordre dans ma vie", "je veux fonder une famille"). Les auteurs concluent que la prévention du VHC doit rester axée sur la réduction des risques et non pas sur la prévention de l'injection.

• L'habitude de l'injection
Beynon et al (encours de publication) ont mené une enquête auprès de 200 usagers de drogues et ont comparé les différences entre leur réponses concernant leurs propres pratiques entre (a) un questionnaire écrit et (b) la présentation de vidéo présentant les différentes prises de risques. Ces réponses différaient d'une façon significative selon la modalité de l'entretien (questionnaire écrit versus entretien face à une vidéo). Notamment, à l'écrit une proportion considérable des personnes répondaient ne pas partager l'eau ou la javel pour rincer les seringues ou via front / back loading (???). Toutefois, en visionnant les vidéos, les personnes reportaient avoir eu ces pratiques...

Une méthode de recherche qui pourraient s'appliquer à un projet d'évalutation des effets de la Supervision éducative de la consommation de substance:
- Le questionnaire standardisé bbv-traq (http://biblio.integration-projects.org/free/english_bbvtraq.pdf) a été utilisé pour établir à la fois les pratiques de la personne avant l'intervention et le suivi de celles-ci pendant et après l'intervention (notamment par Tucker et al, 2004, pour les interventions comportementales brèves menées en Autralie). Ce questionnaire apparaît pour les auteurs comme étant en lui-même une modalité éducative importante, au point que le recours à ce questionnaire pourrait expliquer l'absence de différence significative concernant la réduction des prises de risques entre le groupe témoin et le groupe ayant bénéficié de l'intervention!

Les principales conclusions des auteurs:
Certains facteurs contribuent à améliorer l'efficacité des interventions éducationnelles (p vi) :
• elles n'exigent qu'un niveau minimal d'alphabetisation.
• elles sont interactives (elles permettent la discussion et l'échange d'expériences)
• elle sont soutenues par des ressources audio-visuelles
• le langage utilisé est approprié.
• elle sont pertinentes et spécifiquement et soigneusement adaptées selon le groue ciblé
• elles permettent aux personnes d'apprendre à leur propre rythme.
• elles permettent aux personnes d'expérimenter de nouveaux comportements
• elles sont mises en oeuvre par des personnes crédibles
• elles sont proposées d'une façon régulière et constante.

Je rajouterais que ces interventions se doivent d'être spécifiquement organisée pour qu'elles soient accessibles en termes de lieu et de temps pour les personnes. En effet, l'intervention de conseil améliorée menée par Abou-Saleh et Dacis (2008) n'a eu qu'un taux de rétention médiocre des bénéficiaires pour la simple raison que celle-ci exigeait de leur part de venir à de multiples rendez-vous, qui n'était par forcément compatibles avec leurs autres engagements personnels...

La connaissance du risques de contamination par le VIH ou le VHC en soit n'est guère suffisante pour engendrer un changement de comportement. Les usagers de drogues injectables on besoin de connaître les bénéfices de la réduction des risques et on besoin de pouvoir apprendre comment négocier l'injection à moindre risque (p 53).


Les auteurs recommandent en outre (p 53) pour l'Ecosse:
• le déploiement d'interventions fondées sur l'engagement des pairs éducateurs (notamment celles ou les personnes consommatrices de produits psycho-actifs sont formés et encouragés à relayer l'information auprès de leur pairs)
• la mise en place d'action complémentaires par les professionnels des centres de réduction des risques et les pharmaciens (pas forcément usagers de drogues eux-mêmes) comme la mise en place de cursus de formation par ordinateur (décrit par Marsch et Bickel, 2004), des interventions de formation brèves (brief behavioral interventions, Tucker et al, 2004), ou encore Break the Cycle, une intervention dont le but est d'enseigner aux usagers de drogues de ne pas initier les non-injecteurs à l'injection (Hunt et al, 2002)

Quelques commentaires personnels:
Quasiment aucune des interventions sélectionnées par les auteurs n'implique une observation directe de la personne en train de s'injecter une substances psycho-active.

Le champs des intervention couvertes par ce rapport est certes plus large que la "supervision éducative de la consommation de substances" car il couvre l'ensemeble des interventions éducationnelles à même de prévenir la transmission par le VHC (y compris la prévention du passage à l'injection).

Une limite majeure des interventions impliquant des récompenses financières et les contradictions avec la santé communautaire:
A aucun moment, les auteurs se placent dans le champs de la santé communautaire, ce qui impliquerait par exemple le souci de permettre aux personnes elles-mêmes d'identifier et de mettre en oeuvre les actions visant à améliorer leur propre santé.


Les pairs éducateurs ne sont mentionnés que dans deux interventions de type comportementales, qui impliquent des mécanisme de récompenses financières accordées aux personnes pour (1) participer aux sessions de formation sur l'éducation des pairs (Latkin et al, 2004) (2) pour le recrutement d'autre personnes et pour avoir mené des intervention d'éducation auprès des pairs (Heckathorn et al, 1999 - Broadhead et all 1995).


Si les effets documentés de ce type d'intervention semblent probant en termes de réduction significative reportée de la fréquence de l'injection, du partage des seringues et du petit matériel (p 21), le recours à la récompense financière pose problème, surtout dans la mesure où le recours à la récompense peut s'avérer être nuisible à l'engagement sur le long terme du pair-éducateur dans ses démarches de soutien auprès des membres de sa communauté. Ses interventions s'arrêtent-elles à partir du moment où il n'est plus rémunéré?

Cette question est fondées sur l'analyse des effets des récompenses sur la motivation intrinsèque des personnes menée par Deci, Koestner et Ryan, 1999. Ces auteurs ont ainsi constaté que les récompenses associées à l'accomplissement d'une tache (ou à l'expression de l'engagement à accomplir un acte) avaient des effets délétères sur intérêt exprimé par les personnes vis à vis de la tache à accomplir. Le changement de comportement adopté ainsi a tendance à disparaître dès que le mécanisme de récompense arrive à son terme. Deci et al préconise plutôt le recours au conseils constructifs formulés verbalement (positive feedback) car ceux-ci ont démontré qu'ils favorisent à la fois le choix d'adopter librement des comportement ainsi qu'un intérêt accru pour l'action à accomplir exprimé par les personnes.

Bien entendu, les personnes ont besoin de ressources pour vivre (se loger, se nourrir, se divertir...) mais l'accès à ces ressources ne devraient selon moi en aucun cas être associé à la réalisation d'un acte ou d'un service précis, pour la simple raison que de tels dispositifs ont démontré qu'ils étaient nuisibles à la motivation intrinsèque des personnes (en d'autre termes, la personnes va éduquer ses pairs uniquement parce qu'elle sait qu'elle aura une récompense pour chaque personne éduquée, au lieu de trouver ses propres raisons de s'engager pour l'amélioration de la santé dans sa communauté...)

En outre d'une façon plus globale, ces interventions comportementale qui recourent à la distributions de récompenses aux personnes est intrinsèquement contraire aux principes de la santé communautaire. D'un côté, des experts imposent aux personnes d'adopter des comportements spécifiques (identifié par ces experts comme étant "bon pour eux") en faisant usage de récompenses. Une approche communautaire à l'opposé a pour vocation avant tout de permettre aux personnes - si elles sont consentantes - d'identifier et d'adopter elles-mêmes leurs propres façons de préserver leur santé (le principe étant posé que le non-changement de comportement est aussi une option possible). Pour référence, Brixi, Gagnayre et Lamour (2008) présentent des principes clés d'une approche communautaire de la promotion de la santé dans l'ouvrage "Eduquer pour la santé autrement".


Références citées par moi:
Brixi O, Gagnayre R, Lamour P. Eduquer pour la santé autrement. Le Manuscrit; 2008.

Deci, E., Koestner, R., & Ryan, R. A meta-analytic review of experiments
examining the effects of extrinsic rewards on intrinsic motivation. Psychological Bulletin,
125, 627-668. 1999.


Références issues du rapport (seulement les références à lire absolument!!)
Williams, M., McCoy, H.V., Bowen, A., Saunders, L., Freeman, R. and Chen, D. An evaluation of a brief HIV risk reduction intervention using empirically
derived drug use and sexual risk indices. AIDS and Behavior, 5(1), 31–43. 2001.

Aggleton, P., Jenkins, P. and Malcolm, A. (2005). HIV/AIDS and injecting drug use: Information, education and communication. International Journal of Drug Policy, Dec; 16(S1), 21–30.

Palmateer, N., Kimber, J., Hickman, M., Hutchinson, S., Rhodes, T. and Goldberg, D. (2008). Evidence for the effectiveness of harm reduction interventions in preventing Hepatitis C transmission among injecting drug users: a review of reviews. Health Protection Scotland. Published literature – primary studies.

Beynon, C., Taylor, A., Allen, E. and Bellis, M. (unpublished). Visual versus written
cues: a comparison of drug injectors’ responses. Have surveys using the written
word underestimated risk behaviours for hepatitis C? (in press).